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Groupe « Mobilisation des cellules dendritiques » – Détail du projet
DETAIL DU PROJET
Groupe « Mobilisation des cellules dendritiques », Dirigé par Jenny VALLADEAU-GUILEMOND, PhD, HDR
L’activation des lymphocytes T (LT) est médiée par les cellules présentatrices d’antigène, en particulier les cellules dendritiques (DC). Chez l’Homme, plusieurs types de DC sont bien caractérisés, dont les DC plasmacytoïdes (pDC) sécrétrices de grande quantité d’IFN-a et plutôt dysfonctionnelles et de mauvais pronostic dans le cancer du sein1–3. Il existe également 2 sous-populations de DC conventionnelles (cDC) appelées cDC1 (cDC1) et cDC2, les DC inflammatoires et non-conventionnelles issues des monocytes et enfin les cellules de Langerhans (LC) dont les impacts pronostiques sont controversés3. Les cDC1 sont spécialisées pour activer les LT cytotoxiques (CTL) par présentation croisée d’antigène comparées aux autres DC4–7. Elles sont également caractérisées par l’expression du toll-like récepteur 3 (TLR3) dont l’activation par poly-I:C induit une forte production d’interféron de type III (IFN-III)4.
L’IFN-III, également appelé interféron lambda (IFN-λ, ou IL-28A et B et IL-29), caractérise un nouveau sous-type d’IFN qui partage de nombreuses caractéristiques avec les IFN de type I (IFN-a, et –b). Parmi elles, on retrouve i) la même voie de signalisation intracellulaire qui passe par la phosphorylation de STAT1, ii) l’induction des mêmes gènes (Interferon Inducible gene, ISG) et iii) un fort impact sur les réponses antivirales. Dans ce contexte, plusieurs études ont montré que les réponses IFN-I sont critiques dans les premières étapes de la surveillance immunitaire anti-tumorale8,9 ainsi que dans l’efficacité de la radiothérapie10, ou de certains traitements de chimiothérapie11. Cependant, très peu de choses étaient connues sur l’impact des cDC1 et des IFN-λ dans les cancers humains
Dans ce contexte, nous avons montré la supériorité fonctionnelle des cDC1 pour cross-présenter des Ag tumoraux aux lymphocytes T CD8+ et montré le rôle helper des cellules Natural Killer (NK) pour induire cette présentation croisée. Puis, nous avons montré pour la première fois l’infiltration des tumeurs primaires de sein par les cDC1 (et autres sous-populations de DC) ainsi que le rôle prépondérant de l’interféron-l pour induire une réponse immunitaire anti-tumorale. De plus, nous avons démontré la capacité des cDC1, présentes dans l’environnement tumoral, à produire naturellement de l’IFN-III chez 20% des patientes sans en connaitre les mécanismes à ce jour. De façon intéressante, nous avons trouvé pas ou peu d’IFN de type I sécrété dans les tumeurs de sein contrairement à l’IFN-III suggérant à nouveau un rôle majeur des IFN-III dans le cancer du sein12.
Bien que nous ayons démontré par une approche in silico que les cDC1 représentent la sous-population de DC la plus fréquemment associée à une survie globale prolongée dans la plupart des tumeurs solides, la valeur pronostique et prédictive de réponse aux immunothérapies (IT) des cDC1 reste largement inconnue. À ce jour, la seule étude ayant suggéré une corrélation entre l’enrichissement en cDC1 et une meilleure réponse au traitement par Ac anti-PD1 a été menée in silico sur une petite cohorte de patients atteints de mélanome13. De plus, les signaux qui conduisent au recrutement des cDC1 au sein de la tumeur, et les signaux sélectivement produits par les cDC1 et délivrés aux LT CD8 pour les activer restent peu connus. Peu de données sont disponibles chez l’homme quant au rôle des IFN-III dans l’immunité anti-tumorale et sa capacité à induire des réponses aux immunothérapies comme les immune checkpoint blockers (ICBs). Il paraît donc important de mieux caractériser l’impact prédictif de l’IFN-III parmi les autres facteurs de l’environnement tumoral y compris les cDC1. En effet, une meilleure compréhension de son rôle permettra de proposer des nouvelles cibles thérapeutiques potentielles en monothérapie ou en combinaison avec les stratégies thérapeutiques actuelles dans les cancers.
Par ailleurs, les mécanismes d’évasion immunitaire dans les tumeurs établies ont été bien caractérisés au cours de la dernière décennie, avec en point d’orgue l’approbation clinique de plusieurs médicaments ciblant des ICB sur les lymphocytes T. Cependant, les événements très précoces qui permettent la détection des cellules pré-néoplasiques par les cellules immunitaires restent mal compris. En effet, bien que le concept de surveillance immunitaire soit bien accepté et que diverses cellules immunitaires innées contribuent probablement à la détection des tumeurs, seules les cellules NK ont été décrites à ce jour comme capable de détecter le stress cellulaire (via l’interaction NKG2D/NKG2DL). De par le rôle clé des cellules présentatrices d’antigene, nous pensons que la présence des sous-populations de DC et l’activation des voies IFN-I/IFN-III dans ces DC sont essentiels pour l’initiation de la surveillance immunitaire anti-tumorale à un stade précoce du développement tumoral. De plus, nous sommes convaincus que ces processus de surveillance immunitaire contribuent à la réponse au traitement par les ICB actuels, comme cela a été démontré pour la population cDC1 et l’IFN-I chez la souris8,9,14,15.
En conclusion et afin de répondre aux nombreuses questions qui se posent sur le rôle des sous-populations de DC et de l’IFN-III dans la réponse aux IT ou dans la surveillance précoce des cancers, mon groupe développe aujourd’hui trois axes de recherches complémentaires :
- Rôle des DCs et de l’IFN-III dans la surveillance immunitaire des phases précoces du cancer du sein.
Pour cela, nous allons effectuer une caractérisation transcriptomique profonde des sous-populations de cellules myeloides infiltrant les tumeurs, chez l’homme et la souris au stade précoce et avancé, à l’échelle de la cellule unique (scRNAseq). Nous identifierons les voies de signalisation activées dans les sous-populations de DC au stade précoce de la tumeur (et neutralisées au stade invasif) par des approches de bio-informatique et de biologie des systèmes. Il sera ensuite important de confirmer et d’étendre nos principaux résultats obtenus en scRNAseq en utilisant l’immunofluorescence sur coupe pour mesurer l’expression des cibles identifiées. Notre partenariat avec OSE Immunotherapeutics permettra de valider in vitro et in vivo nos hypothèses avec le développement de médicaments candidats (anticorps monoclonaux par exemple). - Identification des effets de l’IFN-λ sur les cellules du microenvironnement tumoral et dans le sang.
En effet, si nous avons observé que l’IFN-III est associé à un bon pronostic, les cellules qui répondent à cet IFN et le rôle précis de cet IFN au sein du microenvironnement tumoral et en général dans d’autres contexte physiopathologique non infectieux reste inconnu. Nos data préliminaires ont déjà montré que l’IFNLR était bien exprimé par les lymphocytes B, en accord avec la littérature et encore plus fortement par les pDC. Ainsi par des approches de RNAseq et des modèles in vitro, nous caractérisons actuellement l’effet de l’IFN de type III sur les pDC. - Démonstration de l’impact clinique des différentes populations de DC sur la réponse aux immunothérapies par des analyses in situ et de spatial-transcriptomique
Si la présence et la localisation des LT ou l’organisation spatiale de certaines populations du système immunitaire, sous forme de Tertiary Lymphoid Structure (TLS) par exemple, peut être corrélé à la survie et/ou à la réponse aux IT, la présence des différentes populations de DC et leur organisation spatiale dans le cancer du sein n’ont jamais été étudié dans la reponse aux ICBs. Aussi, nous avons développé des protocoles de microscopie spectrale utilisant la technologie OPAL® d’immunofluorescence multiparamétrique (7 couleurs) pour identifier les sous populations de DC, les macrophages, les LT CD8, les cellules tumorales (cytokératine), les NK (NKp46), differents macrophages (CD68, CD163) et les Treg (FOXP3). Nous avons défini un pipeline d’analyse qui nous permet de quantifier en lame entière chaque population et d’intégrer dans une même matrice d’expression les données spatiales ce qui nous permet d’analyser la fréquence, la localisation (tumeur/stroma), et les distances entre les sous types cellulaire et les plus proches voisins (KNN). Enfin et afin d’aller plus loin dans l’analyse des partenaires cellulaires présents dans chaque zone spécifique de la tumeur, nous utilisons la technologie 10X Visium Spatial Gene expression (disponible et validé au CRCL) qui permet d’analyser le transcriptome dans un contexte tissulaire avec une résolution de 1–10 cellules en moyenne par spot.
Nous avons acces à un certain nombre de cohortes de patients traités par IT : 1) la cohorte Breast-Immun-3 (patientes TNBC post-NAC, traité anti-PD-1 + anti-CTLA-4 + radiothérapie (RT) vs chimiothérapie (CT) + RT. N=60) ; 2) ; la cohorte MELPREDICT (patients mélanome stade IV, n=40, Première ligne ICBs) et la cohorte LUNG-PREDICT (NSCLC, Pembrolizumab ; Première ligne n=90, IT vs chimio) que nous avons constituée avec l’aide du Dr Elisa GOBBINI (MD, PhD dans mon groupe) et du Groupe Français de Pneumo Cancérologie (GFPC).
Le but final de nos projets est le développement de nouveaux outils pharmacologiques ou stratégies vaccinales pour induire une immunité antitumorale chez les patientes atteintes d’un cancer du sein résistantes aux immunothérapies actuelles.
References
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